Objectifs scientifiques du DIM ORIGINES

L’astronomie : une science en plein essor fortement liée aux innovations technologiques

L’astronomie a pour objectif l’observation et l’étude et la compréhension des corps célestes et de l’Univers. Il s’agit de l’une des plus anciennes sciences qui aborde des questions fondamentales liées à nos origines. Ces questions fascinent et véhiculent un immense pouvoir d’attractivité auprès du grand public et des jeunes, ce qui place astronomie au centre d’enjeux sociétaux forts, liés aux grands défis démocratiques et écologiques contemporains.

Comprendre nos origines, c’est comprendre comment opèrent de multiples et complexes phénomènes physiques et chimiques couplés sur de nombreux ordres de grandeurs en termes d’échelles spatiales et temporelles.

  • Origine de l’Univers et de son contenu
    L’étude de l’Univers en tant qu’objet physique a réalisé des progrès marqués ces vingt dernières années, en particulier grâce aux contributions des laboratoires franciliens. L’utilisation de techniques de plus en plus précises a permis de construire un modèle cohérent de l’Univers, de son contenu et de ses premiers instants.
    Ce modèle suppose l’existence de deux ingrédients dont la nature reste inconnue : l’énergie noire et la matière noire, qui représentent tous deux 95% du contenu de l’Univers. Un troisième élément clé de ce modèle est l’inflation, qui décrit comment l’Univers a été en expansion extrêmement rapide à ses débuts, mais dont le mécanisme exact n’a pas encore pu être identifié. Les atomes (la matière ordinaire) ne constituent que 5% du contenu de l’Univers. Lors de la nucléosynthèse primordiale, seuls des éléments légers ont été produits, issus de processus de fusion à très haute température dans l’Univers alors très dense. Il faut ensuite attendre cent millions d’années pour qu’un nouveau processus, gouverné par la gravitation, rassemble la matière en étoiles au cœur desquelles se forment alors des éléments plus lourds. Cette nucléosynthèse stellaire a produit la plupart des atomes qui nous constituent. Une compréhension fine des processus de nucléosynthèse retraçant l’origine des éléments atomiques reste à établir.
    Devant ces questions fondamentales, de nombreux projets observationnels internationaux impliquant nos laboratoires vont démarrer leurs observations tels que la mission spatiale Euclid (lancement par l’ESA début 2023), la mission LiteBird (lancement en 2027) et, à plus long terme (lancement prévu en 2032), la mission Lisa. Nous pouvons également citer l’engagement de plusieurs équipes franciliennes dans l’exploitation scientifique de l’Observatoire Vera Rubin (LSST) qui entrera en exploitation en 2024 . Ces instruments mobilisent des techniques de détection de pointe et des méthodes de traitement de données innovantes reposant sur l’utilisation de simulations numériques.

    Euclid - tests avant lancement dans l’espace. Crédits : ESA-Manuel Pedoussaut.
  • Origine des structures dans l’Univers
    Si l’origine des grandes structures de la matière dans l’Univers est aujourd’hui bien comprise, la compréhension de leur évolution dans le temps reste un enjeu important de l’astrophysique moderne.
    Le nouveau télescope spatial infrarouge JWST lancé fin 2021 afin d’étudier les petites échelles (étoiles, galaxies, trous noirs), la mission spatiale Euclid pour observer les grandes structures et leur assemblage seront les pièces maîtresses pour répondre à ces questions et plusieurs de nos équipes sont fortement impliquées dans leur exploitation scientifique.
    Ces missions seront appuyées depuis le sol par plusieurs instruments qui démarreront également leur moisson de données sur les plus grands télescopes : MOONS au VLT et WEAVE aux Canaries observeront des milliers de galaxies en même temps et constitueront des échantillons de millions d’objets à analyser. Dans le domaine radio, les précurseurs du futur réseau de radioastronomie SKA tels que LOFAR et NenuFAR produiront des échantillons tout aussi importants. L’interféromètre GRAVITY+ permettra d’étudier en détail la relation entre les trous noirs centraux des galaxies, leurs noyaux actifs et les vents/jets qui s’y développent. La plupart de ces projets ont reçu le soutien de la Région Île de France via le DIM ACAV+ qui a fortement contribué à leur construction en collaboration avec des industriels de la région.
    Nos laboratoires sont également très impliqués dans la préparation de la prochaine génération d’instruments radio (SKA ; 2026) et visible (projets MICADO et MOSAIC pour l’ELT ; 2027, ) qui seront essentiels afin de comprendre comment les galaxies ont « réionisé » l’Univers, faisant passer son contenu gazeux à grande échelle d’un état neutre à un état ionisé. Citons enfin le satellite Gaia dont mesures vont révolutionner notre compréhension de la structure et du fonctionnement de notre galaxie.
    Tous ces instruments délivreront des quantités massives de données de plus en plus précises dont le traitement et l’archivage nécessitent le développement de solutions innovantes. L’interprétation scientifique des données, publiées dans des archives ouvertes dès leur production, est un enjeu important dans le contexte d’une concurrence internationale très forte, par exemple dans le cas des catalogues Gaia produits par nos équipes et nécessite également des simulations numériques toujours plus massives et sophistiquées. Les chercheurs franciliens se sont particulièrement illustrés dans cette discipline et forment un pôle d’expertise reconnu dans le monde entier.

    Carte de notre galaxie, la Voie lactée, et de son proche voisinage, réalisée par le satellite Gaïa.
    Crédits ESA/Gaia/DPAC
  • Origine des ondes gravitationnelles et des cataclysmes astrophysiques
    Les cataclysmes astrophysiques que sont les sursauts gamma, les supernovæ, les éruptions de noyaux actifs de galaxies, mettent en jeu des objets compacts comme des trous noirs ou des étoiles à neutrons. Leur compréhension est grandement tributaire de notre capacité à étudier en détail tous les rayonnements émis : photons à toutes les longueurs d’ondes, ondes gravitationnelles, mais aussi neutrinos et rayons cosmiques chargés. Ces observations, dites multi-messagers, peuvent nous aider à mettre en évidence une nouvelle physique, en particulier sur la nature de la matière noire.
    Ces dernières années ont vu les premières détections d’ondes gravitationnelles, ouvrant une nouvelle fenêtre sur les phénomènes astrophysiques les plus violents. Les prochaines années s’annoncent très riches en découvertes. Dans les domaines X et gamma, nos équipes préparent la mission Athena lancement en 2031. Le satellite franco-chinois SVOM (lancement fin 2022) permettra la détection de nombreux sursauts gamma tout en maximisant les possibilités de détection multi-messagers. A encore plus haute énergie (TeV), l’observatoire CTA entre progressivement en service.
    Concernant les ondes gravitationnelles, LIGO-Virgo-KAGRA reprendront les observations mi-2022 avec une sensibilité améliorée. En parallèle, le développement de la mission spatiale eLISA se poursuit, de même que l’étude de l’Einstein Telescope. Pour les neutrinos, le grand détecteur KM3NeT est en cours de déploiement. La préparation du futur réseau radio GRAND bat également son plein avec l’installation d’un prototype de 300 antennes. Enfin, l’Observatoire Pierre Auger subit actuellement une évolution majeure afin de comprendre la composition des rayons cosmiques ultra énergétiques.
    Les années qui viennent verront une augmentation massive du nombre de détection d’événements transitoires pour lesquelles le défi sera de structurer nos communautés afin de coordonner l’ensemble des observations multi-messagers et multi-longueurs d’onde nécessaires. Les équipes franciliennes possèdent l’expertise nécessaire pour relever ce défi et occuper un rôle moteur dans cette nouvelle astronomie.

    Détecteur KM3NeT- Crédits collaboration KM3NeT
  • Origine des objets stellaires et de la matière complexe
    Le milieu interstellaire est un système ouvert et complexe, qui échange en permanence de la matière et de l’énergie avec les étoiles et le milieu extragalactique. Les cœurs denses, compacts et froids entraînent non seulement la formation d’étoiles mais aussi de disques protoplanétaires puis de systèmes planétaires.
    Durant toutes ces étapes, de nouvelles molécules sont formées, les grains de poussière évoluent et croissent pour former des proto-planétésimaux. Molécules, grains de poussière, manteaux de glaces complexes évoluent sous l’effet de multiples processus : radiolyse, photochimie UV, X, agrégation, chimie couplée à la dynamique du gaz, chimie hétérogène à la surface des grains, effets thermiques, etc. Les simulations en laboratoire révèlent une richesse moléculaire impressionnante et interrogent sur l’extension de la frontière de la complexité chimique réalisable dans le milieu interstellaire.
    L’évaluation du rôle de chacun des processus est cruciale pour comprendre la formation et l’évolution des structures interstellaires qui mènent à la formation des étoiles et des planètes. Il est pour cela nécessaire de soutenir, développer et mettre en synergie les expériences de laboratoire dédiées, les modèles numériques élaborés, les grandes simulations numériques et l’exploitation des grands observatoires spatiaux ou au sol pour établir des diagnostics observationnels.
    En particulier, les laboratoires franciliens ont développé une expertise en astrophysique de laboratoire qui est très reconnue au niveau international dans les domaines de la planétologie, la spectroscopie et la physico-chimie moléculaire et la physique des plasmas denses. La mise en réseau multidisciplinaire au sein du DIM ORIGINES de ces expertises positionne la région au premier plan dans ce domaine, en pleine expansion internationale.

    Naissance d’une étoile James Webb Space Telescope -Rho Ophiuchi cloud
    Credits : NASA, ESA, CSA, STScI, Klaus Pontoppidan (STScI)
  • Origine et diversité des systèmes planétaires
    Le système solaire abrite des planètes, des satellites et des petits corps d’une grande diversité physique et chimique. La communauté francilienne joue un rôle moteur dans les grandes missions d’exploration du système solaire, de l’environnement spatial de notre planète et de son interaction avec le Soleil (Solar Orbiter, Parker Solar Probe) et dans l’étude de l’origine du système solaire à travers l’analyse des échantillons extraterrestres (météorites et échantillons prélevés sur des astéroïdes, la Lune, Phobos, Vénus ou Mars).
    En planétologie, les missions Bepi-Colombo (début d’exploitation en 2026) et JUICE (lancement en 2022) permettront d’explorer Mercure ainsi que Jupiter et son cortège de satellites glacés. Les missions présentes et futures à destination de Mars, Insight (lancée en 2018), Mars 2020 (lancée en 2020 ) détermineront sa structure interne et caractériseront son sous-sol afin d’en comprendre l’évolution géologique. MMX (lancement en 2024) explorera les satellites Martiens afin d’en comprendre l’origine.
    Ces missions chercheront à comprendre l’évolution de l’atmosphère de Mars, traqueront des traces chimiques d’une éventuelle vie passée et prépareront les futurs retours d’échantillons martiens sur Terre à l’horizon 2030. Ces recherches reposent aussi sur des développements théoriques et numériques dans lesquels nous sommes moteur : dynamique et stabilité du système solaire, origine et évolution des petits corps, mécanismes de marée dans les interactions gravitationnelles, en particulier dans l’évolution du système Terre-Lune qui a joué un rôle clé dans la stabilité climatique de la Terre, ou encore dans la modélisation des atmosphères planétaires et de leur évolution.
    Les observations des exoplanètes révèlent une diversité encore plus large, avec des planètes géantes et gazeuses très proches de leurs étoiles, des températures d’atmosphère de plusieurs milliers de Kelvin, ou des planètes de masse intermédiaire à celle de la Terre et de Neptune qui n’ont pas d’équivalent dans le Système Solaire. L’enjeu est de découvrir une planète présentant des conditions physiques et chimiques similaires à celles de la Terre.
    La communauté francilienne est fortement impliquée dans les futures missions spatiales de détection et de caractérisation des exoplanètes (JWST ; Plato, lancement en 2026 ; Ariel, lancement en 2029). Elle s’impose comme un des leaders de l’imagerie à haut contraste des exoplanètes, avec notamment les instruments SPHERE et GRAVITY du VLT et leurs successeurs en cours d’étude, SPHERE+ et GRAVITY+, ainsi que pour la préparation de l’instrumentation de l’ELT (MICADO, METIS, PCS). Ces nouveaux instruments devront développer des techniques innovantes afin d’atteindre des contrastes et des résolutions jamais atteints, notamment grâce à des systèmes d’optique adaptative toujours plus performants et dont les miroirs déformables, détecteurs, calculateurs temps réel sont développés avec des industriels, souvent locaux.

    Vue d’artiste de l’Extremely Large Telescope - Crédits ESO
  • Origine de la vie
    Depuis plus de vingt ans, la découverte de près de 5 000 planètes extrasolaires a considérablement modifié notre approche de cette question en démontrant l’existence de systèmes planétaires autour de la plupart des étoiles proches. L’enjeu sera d’identifier, parmi la diversité de ces mondes, ceux sur lesquels les conditions physico-chimiques peuvent être favorables au développement de formes de vie.
    L’habitabilité planétaire résulte de processus globaux couplant la dynamique interne avec la surface et l’atmosphère de la planète, tels que le volcanisme, la tectonique des plaques ou la présence de champ magnétique. Ces processus sont contrôlés par les propriétés chimiques des constituants initiaux. Une condition essentielle à l’habitabilité d’une planète réside dans sa position vis-à-vis de son étoile et dans l’évolution de son atmosphère, conditionnée par l’insolation à sa surface qui dépend elle-même de l’évolution orbitale et rotationnelle de la planète.
    Les années à venir marqueront un tournant important avec l’obtention des premières mesures de la composition chimique des atmosphères de planètes de type terrestre situées dans la zone habitable de leur étoile hôte (JWST et ELT). Ces observations ouvriront la voie à la recherche d’indices de vie par la présence éventuelle de molécules. Les expériences de laboratoire jouent ici un rôle crucial pour le développement d’instruments spatiaux, de la stratégie observationnelle, l’exploitation et l’interprétation des données. Le DIM ORIGINES peut jouer un rôle décisif en fédérant les expertises scientifiques (astronomes, physiciens, chimistes, biologistes, géologues) et méthodologiques nécessaires à une approche globale.
    L’étude de la matière organique extraterrestre dans des objets primitifs (météorites, micrométéorites, surfaces astéroïdales ou cométaires) est un enjeu majeur pour comprendre ses mécanismes de formation et d’évolution dans le système solaire naissant puis, sa possible contribution à l’émergence de la vie sur Terre. Les années à venir vont être exceptionnelles avec le retour sur Terre des échantillons d’astéroïdes carbonés par les missions spatiales Hayabusa-2 et OSIRIX-REx (retour prévu en 2023 ) et, à plus long terme, les échantillons de surface d’une lune martienne (Phobos) par la mission MMX (lancement en 2024).
    Les analyses de ces échantillons et leur comparaison avec les données des missions spatiales récentes (Rosetta, Stardust) et celles obtenues sur les objets primitifs disponibles dans les collections muséales seront mises en perspective avec les études des formes de vie les plus anciennes sur Terre. Nos laboratoires possèdent une expertise mondialement reconnue sur ce thème. Le projet de localisation du futur Centre National de Conservation de la matière Extraterrestre au MNHN permettra de renforcer les collaborations entre les équipes franciliennes qui bénéficieront d’une infrastructure à forte visibilité internationale.

    Mission MMX- Vue d’artiste- Crédits : JAXA/NASA